Review – Quétel Claude, Histoire de la folie de l’antiquité à nos jours, Paris, Tallandier, 621 p., 2009.

Pour les historiens francophones, Claude Quétel demeure l’auteur d’une thèse volumineuse sur l’hôpital psychiatrique du Bon-Sauveur, dans la région de Caen, ville de cette Normandie contée par Gustave Flaubert et Guy Maupassant et largement meurtrie au XXe siècle par les années de guerre auxquelles il s’est intéressé par la suite. L’auteur reprend l’étude de la folie après plusieurs années d’absence sur ce terrain bien que l’on se souvienne de son ouvrage de synthèse écrit en collaboration avec le psychiatre Jacques Postel – que les historiens ont eu souvent l’occasion d’apprécier pour ses écrits et ses observations1.

Ce volumineux livre a de nouveau l’ambition d’être une synthèse du traitement de la folie dans un espace qui n’est cependant pas vraiment défini. Les sources concernent la France dans la très grande majorité des cas bien que certains médecins évoqués par Cl. Quétel fassent partie du panthéon de l’histoire de la psychiatrie européenne. Plusieurs événements ayant eu lieu hors de France sont évoqués – l’émergence de la psychanalyse, la stérilisation des malades en Allemagne, l’antipsychiatrie en Italie ou en Angleterre, l’impact du DSM américain – sans que l’auteur ne se réfère aux travaux des collègues européens ou nord-américains sur les sujets traités. Des articles issus des revues relevant de son objet (Frenia, Gesnerus, History of Psychiatry, Medical History, Medicina e Storia etc.) ne sont jamais cités. De la même manière, Cl. Quétel méconnaît les travaux les plus récents réalisés en France et accomplis par de jeunes chercheurs. Sans doute parce que l’auteur ne quitte jamais sa thèse: l’histoire de la psychiatrie est en France sinistrée depuis que Michel Foucault a traversé ce domaine de recherches. Ce n’est que récemment que l’on pourrait reprendre en toute liberté le travail de recherche. Ce n’est toutefois pas à cela que Cl. Quétel s’emploie. Son objectif est tout aussi idéologique que l’intention prêtée à Foucault. On comprend dès lors mieux le titre donné par Quétel à son ouvrage : c’est une anti-Histoire de la folie à l’âge classique. A force de critiquer Michel Foucault – ce que d’autres ont déjà fait avec beaucoup plus de force et de finesse – Cl. Quétel n’évite pas les propos caricaturaux et on ne voit pas très bien quelle serait l’urgence à déterrer la hache de guerre.

On parviendra ici ou là à prendre quelques informations et observations utiles dans les chapitres concernant ce que l’auteur connaît le mieux et qu’il a parfois déjà publié (les exemples issus de l’hôpital du Bon Sauveur sont sollicités à plusieurs reprises.) On trouvera également quelques références parfois peu connues rappelant que l’auteur savait trouver des documents pertinents et adéquats. Ces aspects ne suffisent pas cependant à faire oublier les erreurs factuelles, les interprétations insolites sur tel ou tel point d’une histoire de la psychiatrie qui à force de vouloir tout couvrir rate souvent sa cible. Le chapitre intitulé « Les antipsychiatries » est de ce point de vue tout à fait exemplaire. L’historien se transforme ici en avocat des psychiatres français qui n’en demandaient pas tant et leurs collègues italiens sauront apprécier les propos tenus !

Mon espoir est de pouvoir convaincre nos collègues européens que ce livre n’est pas représentatif de la recherche française dans le domaine de l’histoire de la psychiatrie ni des travaux de sciences sociales explorant la santé mentale et de les rassurer sur la possibilité de travailler dans une ambiance sereine en France. Les nuages planant sur la psychiatrie d’aujourd’hui ne sont sûrement pas lancés par Michel Foucault ni par son fantôme.

Jean-Christophe Coffin.

1 Cl. Quétel et J. Postel Nouvelle histoire de la psychiatrie, Paris, Dunod, 1994.

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