Colloque – Psychanalyse, littérature, cinéma

Samedi 6 novembre 2010

11e colloque de l’Association pour L’Étude de la Psychanalyse et de son Histoire

Colloque franco-allemand


Dessins de lettres  II. Psychanalyse, littérature, cinéma.

Salle du Sénéchal 17 rue du Rémusat, 31000 Toulouse

Préambule
Le succès du colloque de Lille en mars 2010 nous conduit cette année à étaler le fruit de notre travail sur deux sessions. Ceci est lié tant à l’ampleur du thème abordé, qu’au nombre important et à la qualité des propositions qui nous sont parvenues. C’est donc la deuxième partie d’un projet de travail tournant autour de l’articulation toujours enrichissante de la psychanalyse et de la littérature que nous nous proposons d’exposer à Toulouse en novembre 2010.
Argument du colloque
En  1908, Sigmund Freud compare la littérature à une activité « de fantasme ». Son article va plus loin que le titre ne le laisserait entendre : il ne suffit pas de fantasmer pour écrire.  Le fantasme soutient le désir, il ouvre une fenêtre sur le réel –  Fenêtre sur cour, le film d’Alfred Hitchcock, illustre bien cette « ouverture ». Mais le désir, bien qu’articulé, reste inarticulable, comme l’observe Lacan. Et le réel ne pointe, la plupart du temps, que sous la forme de l’angoisse dans l’embrasure de la fenêtre du fantasme. Aussi est-ce par le rejet que réagit l’être parlant à l’impossibilité d’exprimer son désir et à l’angoisse causée par le réel. Il ne veut rien en savoir : il refoule ou rejette son désir et fuit le réel. Cependant, depuis la nuit des temps, le chant des sirènes attire les poètes. L’écriture leur permet de les approcher, mais ils restent attachés au mât d’une réalité rassurante, ainsi qu’Ulysse sur son navire. Féru de lettres, grand lecteur de Shakespeare et jaloux de certains écrivains comme Arthur Schnitzler, Freud a frayé une autre voie vers ces zones où l’homme rencontre son destin. Il a inventé la psychanalyse dont on peut, avec Lacan, définir l’objectif : libérer le désir inconscient par la répétition de la demande, adressée par un sujet à un psychanalyste, de trouver son chemin dans une vie dont le langage voile les vrais enjeux, ceux de la sexualité, et avant tout, la question de savoir si un homme et une femme peuvent se rencontrer. Dans le projet freudien de fonder de « hautes études » de psychanalyse (La question de l’analyse profane, 1927), la littérature joue un rôle  éminent. Et pourtant, ce n’est par goût des belles lettres. Freud, s’il appréciait le théâtre d’Henrik Ibsen, ne méprisait pas pour autant la littérature mineure (La Gradiva de W. Jensen, par exemple), prenant son matériel là où il le trouvait. Lacan s’oppose à son tour aux lubies des beaux esprits en jouant volontiers sur l’équivoque du mot « lettre » : le « ruissellement des petites lettres » des mathématiques lui importait  autant que celui des textes littéraires. De tout temps, des hommes et des femmes ont avoué qu’il leur aurait été impossible de se maintenir dans l’existence s’ils n’avaient pas écrit. C’est sur cette fonction salvatrice de la littérature que Lacan pouvait se fonder quand il faisait de celle de Joyce un symptôme, voire un « sinthome ». Terme de l’époque de Rabelais, le « sinthome » désigne sous la plume de Lacan un lien réparateur sans lequel un sujet risque de sombrer dans la folie. À Joyce et quelques autres, l’écriture a servi d’un tel lien. Loin de renforcer le narcissisme ou la simple demande de reconnaissance sociale, l’écriture peut s’avérer nécessaire. Aussi la psychanalyse se laisse-t-elle instruire par la littérature. L’écriture et la psychanalyse sont solidaires puisque toutes les deux, et chacune à sa façon, défendent l’existence du sujet contre la jouissance dévastatrice qui parfois menace de l’annihiler. L’écriture dans ce sens débroussaille « ce qui ne cesse pas de s’écrire » de façon sauvage dans les symptômes morbides. On peut dire que le sinthome littéraire est un antidote du symptôme ravageur. À cet égard, le psychanalyste qui veut dissoudre ce dernier par son interprétation doit beaucoup apprendre des poètes.   Non, la psychanalyse ne se laisse ni réduire, ni « appliquer » à la littérature ! L’une rencontre plutôt l’autre sur certains points nodaux de la structure dans laquelle nous évoluons. Nous avons déjà insisté sur la fonction du sinthome.
Voici encore deux autres points de rencontres :
1. Et l’inconscient et les poètes jouent avec la lettre – mais pas de la même façon, comme on le voit avec  l’auteur de Finnegans Wake, qui était « désabonné à l’inconscient ».
2.  « La vérité a structure de fiction », rappelle Lacan dans son écrit « Lituraterre ». Certaines œuvres (de Kleist jusqu’à Borges) dramatisent le caractère fictionnel de la vérité tandis  que les paradoxes de la logique  décrivent les voies par lesquelles la vérité se soustrait à la formalisation.À la différence du signifiant qui représente le sujet, la lettre touche à la jouissance qui, elle, n’est pas représentable. Lacan pense la lettre comme située à la lisière entre le savoir et la jouissance, comme orientée vers ce que Freud, dans son Interprétation des rêves, a appelé  « l’inconnu » (das Unerkannte). Elle ne peut pas représenter mais seulement cerner ce réel.Notre colloque réunira des chercheurs (en histoire, comme aussi en critique littéraire et artistique), des hommes et des femmes de théâtre ainsi que des psychanalystes. Ils confronteront le fruit de leurs recherches sur les dessins de la lettre, dans le double sens de cette expression : du fait de leurs constellations, les lettres de tout texte littéraire sérieux dessinent la frontière entre le savoir et la terre inconnue à laquelle se heurte ce savoir, montrant ainsi que le savoir lui-même ne nous est pas si familier, même quand nous pensons le maîtriser. « Dessin » renvoie, en plus, à « destin », voire à « destination ». En effet, la lettre entretient aussi une dynamique. C’est pourquoi les chercheurs, orateurs de notre colloque, s’intéresseront également aux voies des lettres quand elles interviennent dans le destin de l’être humain, incarné par les héros des romans de toutes les époques.

Programme

9h15 Ouverture du colloque par Jean-Paul Kornobis, membre de l’A.l.e.p.h.
9h 30-11h Présidence, Jean-Paul Kornobis

Eric Le Toullec— Un regard étrangement inquiétant : Freud-Lubitsch 1919

Sylvie Nève— Des auteurs lisent publiquement à voix haute – quand une voix dessine quelque chose…
11h 30-13h Présidence, Geneviève Morel

Frédéric Yvan—Lettres de lieux, ruines et figures du réel

Pascal Bataillard — Nabokov le nymphome ou, le sinthome d’après Joyce
14h30 -16h00 Présidence, Brigitte Lemonnier

Sylvie Boudailliez— Première expérience d’écriture : une agonie

Anne Ermolieff— « Je ne veux plus parler, je suis trop en colère »; la lettre entre expériences visuelle et sonore
16h30-18h00 Présidence Franz Kaltenbeck

Sylvain Masschelier — L’instance de la lettre d’amour dans l’inconscient

Michael Meyer zum Wischen — Marguerite Duras : écrire en marge, au bord de la mer. Réflexions à propos de « Le ravissement de Lol V. Stein »

18h00-18h15 Conclusion du colloque : Franz Kaltenbeck

Pour plus d’informations, cliquez ici.

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