Call for paper – Patients et traitements psychiatriques à l’écran : pratiques militantes, soins et processus de subjectivation

Patients et traitements psychiatriques à l’écran : pratiques
militantes, soins et processus de subjectivation, 5-6 décembre 2012,
EHESS Paris.

 

 

 

Organisateurs: Jean-Christophe Coffin (Université Paris Descartes /
CAK), Nausica Zaballos (CAK / IRIS), Alessandro Manna (IRIS).

La mise en scène de l’univers asilaire

A partir des années 1960, plusieurs films mettant en scène l’internement
psychiatrique reçoivent un excellent accueil de la critique et du
public. De nombreux réalisateurs, s’inscrivant dans la mouvance du
Nouvel Hollywood, se risquent à traiter le thème de la folie à travers
une démarche visuelle et artistique non-consensuelle. Qu’ils adoptent
une posture d’ethnographe, tel Frederick Wiseman pour son documentaire
Titicut Follies (1967), ou optent, à l’instar de Milos Forman avec
Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975), pour l’adaptation
cinématographique d’un roman, ces cinéastes s’attachent à montrer et
dénoncer la violence inique des traitements imposés aux patients : le
lieu de soin est dépeint, dans ces œuvres, comme une institution malade.
Cette production cinématographique s’inscrit dans une tradition
remontant aux années 1940 qui, avec des productions appartenant à des
genres différents – du fantastique de Bedlam (inspiré de l’œuvre
picturale A Rake’s Progress de William Hogarth) au drame réaliste de
The Snake Pit (Anatole Litvak, 1948) – retranscrivent l’expérience de
l’internement à travers le regard de personnes présentées comme victimes
des contraintes normatives imposées par l’institution psychiatrique et
des soignants peu avenants. La portée dénonciatrice primant sur la
retranscription de l’expérience individuelle subjective de la pathologie
mentale, le héros principal est bien souvent un non-malade : un écrivain
rêvant de gagner le prix Pulitzer en « s’infiltrant dans l’univers
asilaire » pour en livrer un récit qui fera date dans Shock Corridor
de Samuel Fuller (1963) ; ou bien un marginal qui pense, en se faisant
interner, échapper à la prison (Vol au-dessus d’un nid de coucou).

Filmer la folie, entre fiction et documentaire

La folie à l’écran : un motif récurrent auprès de cinéastes « engagés »? Certainement, si l’on songe à Family Life de Ken Loach (1971),
violente chronique de la descente aux enfers d’une jeune schizophrène
qui montre que des facteurs familiaux couplés au manque d’empathie des
praticiens peuvent aggraver voire provoquer des troubles mentaux. Si la
fiction cinématographique pointe directement du doigt l’institution, se
faisant l’écho des écrits des représentants les plus virulents du
mouvement antipsychiatrique anglo-saxon (Laing, Cooper), le documentaire
vise à faire apparaître les expériences menées par des psychiatres ou
éducateurs désireux d’améliorer le sort de leurs patients en leur
offrant plus de liberté et d’autonomie. On pensera ainsi à Ce gamin-là
de Renaud Victor (1975), qui retrace l’expérience de Fernand Deligny
avec des enfants autistes, ou à Fous à délier de Marco Bellochio
(1975), qui enquête sur le parcours de trois ex-patients employés à
l’usine dans l’Italie de Franco Basaglia. Au cours des années 1990
d’autres réalisateurs, tels que Benoît Dervaux, Jean-Michel Carré et
Nicolas Philibert, se proposent de faire le bilan de l’antipsychiatrie
ou de la psychothérapie institutionnelle. La clinique de la Borde et le
Coral, lieu de vie qui accueille indifféremment psychotiques et jeunes
délinquants, ouvrent ainsi leurs portes aux cinéastes qui, à travers des
films à la croisée du documentaire et de la fiction (comme par exemple
Visiblement je vous aime, 1995), donnent la parole aux soignants et
patients.

Cadrage

La folie à l’écran : trois axes de recherche

Il s’agira en premier lieu d’étudier les relations entre l’histoire de
la folie mise à l’écran – qu’il s’agisse de la fiction cinématographique
ou bien du documentaire ethnographique ou journalistique – et l’histoire
des changements survenus au sein du monde psychiatrique tout au long du
dernier demi-siècle. On s’interrogera à la fois sur le film et l’enquête
filmée en tant que moyens « engagés » de réhabiliter une pratique ou une
éthique des soins en psychiatrie (La moindre des choses, La
devinière, Visiblement je vous aime, Valvert, la série italienne
Il était une fois la cité des fous de Marco Turco), et sur le rôle
qu’ils ont pu éventuellement jouer dans l’univers du militantisme en
psychiatrie.

Le deuxième axe s’interrogera sur les usages sociaux et politiques de la
folie mise à l’écran, et notamment sur les films produits par les
acteurs (psychiatres, usagers, familles) du champ psychiatrique. De
quelles manières les images de la folie peuvent-elles participer à la
construction des controverses morales et politiques propres au monde
psy (on songera à la polémique autour du documentaire sur l’autisme,
Le Mur) ? Comment sont-elles mobilisées dans une cause et ainsi
appropriées par de différents acteurs, qu’il s’agisse de militer contre
la « dérive » sécuritaire de la psychiatrie contemporaine, comme l’a
récemment fait en France le documentaire Un monde sans fous, ou bien
au contraire de dénoncer les politiques de désinstitutionalisation et de
plaidoyer pour l’usage de l’électro convulsivothérapie en montrant la
souffrance des familles, comme le très discuté reportage brésilien
Omission de prêter secours : des patients psychiatriques prennent la
parole ?

Le troisième axe portera enfin sur la question des processus de
subjectivation. La valeur de preuve attenante aux témoignages rassemblés
contribue-t-elle à produire de nouvelles subjectivités qui doivent
composer avec les contingences des productions cinématographiques et
audiovisuelles ? Comment les éléments autobiographiques personnels
sont-ils mobilisés pour traiter, non plus de la folie, mais du handicap
psychique, concept porté en France par l’adoption de la nouvelle
législation sur le handicap de 2005 ? Et dans quelle mesure
l’appropriation des moyens visuels par les associations d’usagers ne
reflète-t-elle pas un retour du politique dans la sphère du privé,
privant parfois ceux qui font l’expérience de la maladie mentale et des
soins en psychiatrie, de la possibilité de produire des objets
cinématographiques relevant réellement de l’intime ? Dans ce contexte,
un intérêt particulier sera également accordé à toute contribution
portant sur les dispositifs narratifs et les moyens techniques (split
screen, musique, ellipses…) par lesquels l’expérience du trouble mental
peut être traduite à l’écran.

Vos propositions de communications doivent nous parvenir sous la forme

d’un résumé de 450 mots maximum avant le 18 mai 2012 envoyé en
pièce-jointe à l’adresse suivante: nausica.zaballos@ehess.fr

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