This new book by Véronique Fau-Vincenti examines the history of the forensic institution at the asylum of Villejuif, where 2.500 men were held between 1910 and 1960.
Véronique Fau-Vincenti, Le bagne des fous: Le premier service de sûreté psychiatrique 1910-1960 (La manufacture de livres: 2019).
Here’s an excerpt from the introduction by Marc Renneville, directeur de recherche at the CNRS:
“[…] Le livre de Véronique Fau-Vincenti s’inscrit dans la lignée des recherches qui, depuis les années 1960, s’attachent à la généalogie de nos institutions psychiatriques et judiciaires. Il en constitue une étape essentielle en nous offrant un éclairage inédit et décisif sur un lieu resté jusqu’ici dans l’ombre, et qui était censé réaliser, précisément, cette utopie de l’institution à mi-chemin, permettant de traiter les anormaux dans une optique de « défense sociale » à la française : en soignant l’individu, on protège la société. Jamais, en effet, on n’avait pris jusqu’ici pour objet d’histoire le premier service de sûreté psychiatrique ouvert en France, en 1910. […]. L’enjeu était de combiner les ressources d’une approche sérielle anonyme avec une micro-historique rendue possible par la richesse des documents conservés. Pour ne pas perdre les patients derrière l’histoire institutionnelle, il fallait donner chair à ces piles de dossiers individuels, il fallait lire ces correspondances empêchées, ces lettres retenues, il fallait également saisir le discours officiel des administrateurs et des médecins du lieu, ressaisir les pratique professionnelles réelles et l’évolution de ce quartier singulier de l’asile de Villejuif sur un demi-siècle.
Véronique Fau-Vincenti est entrée dans ces archives inédites conservées au sein de l’hôpital spécialisé de Villejuif avec beaucoup de volonté, avec empathie et détermination, en tenant la barre, sans s’y perdre et en mettant au point, au fil de ses
dépouillements, une approche que je qualifierai d’« histoire impliquée ». Le résultat est ce livre dans lequel les témoignages des patients ne sont pas relégués en marge du récit, en note de bas de page ou reproduits pour leur valeur d’illustration, tel des cas médicaux. Les soignés participent ici pleinement de l’histoire du lieu, au même titre que les circulaires administratives, les débats professionnels et les ordonnances prescrites. Ce parti-pris narratif constitue la clef pour ouvrir la porte du bagne des fous. Le lecteur peut ainsi y entrer, en comprendre l’intention initiale, en saisir les tensions, les contradictions et les réalisations.
Il se rendra ainsi très vite compte de l’étrangeté du passage de la notion de malade« difficile » à malade « dangereux ». Il découvrira que les patients pris en charge par ce service ne furent pas tous tant s’en faut des « monstres criminels ». […]. Le lecteur appréciera aussi la verve et la vivacité d’écriture de pensionnaires qui n’hésitent pas à
interpeller les autorités sur les dysfonctionnements de l’institution. Ainsi guidé par la lucidité de certains fous bagnards, il pourra en tirer quelques leçons sur notre représentation contemporaine biaisée de la maladie malade.
Ce livre est appelé à faire date, tant par son objet que par sa méthode. Cela valait donc la peine d’attendre.”